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Alimentation animale Une paroi de levure qui agit comme un piège à mycotoxine

Les mycotoxines sont des substances produites par des moisissures pouvant se développer sur les aliments et notamment les aliments pour animaux d'élevage. De façon empirique, on s'est aperçu que l'ajout d'adsorbants organiques comme des levures dans les aliments pour animaux pouvait piéger ces mycotoxines.

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Les chercheurs de l'Inra de Clermont viennent de démontrer scientifiquement le mécanisme de fixation d'une mycotoxine dans la paroi d'une levure et ont mis au point une modélisation moléculaire de l'interaction. Ce procédé n'est cependant pas autorisé à la vente en Europe.

 

Plusieurs ligands sont déjà connus pour limiter l’absorption des toxines alimentaires dans le tube digestif des animaux

Les mycotoxines sont des substances produites par une grande variété de moisissures se développant sur différents types d’aliments : céréales, fruits oléoprotéagineux… Elles constituent un groupe de substances toxiques présentant notamment des activités mutagènes, cancérogènes, tératogènes, immunotoxinogènes et estrogènes. Elles affectent les animaux d’élevage consommant des aliments contaminés. Du fait de leur transfert dans la chaîne alimentaire, et de leur grande stabilité thermique, elles constituent un danger pour la santé de l’homme. Plusieurs ligands sont déjà empiriquement connus pour limiter l’absorption des toxines alimentaires dans le tube digestif des animaux et réduire à la fois leurs effets nocifs sur les animaux d’élevage et sur la qualité sanitaire des produits animaux. La majorité des ligands utilisés jusqu’ici sont des argiles ou des charbons actifs.

     Les chercheurs de l'Inra de Clermont ont voulu comprendre le mode d'action d'un autre ligand utilisé dans l'alimentation animale pour diminuer la sensibilité des animaux aux mycotoxines : les levures. Des études approfondies ont montré que la paroi de la levure Saccharomyces cerevisiae était particulièrement efficace. Ce constat a conduit des chercheurs de l’INRA, de l’Université de Clermont-Ferrand, de l’INSA de Toulouse et de la société Alltech, à entreprendre des recherches pour caractériser la nature des interactions chimiques entre les parois des levures et les mycotoxines. Ces travaux ont été réalisés dans le cadre de la thèse CIFRE d’Alexandros Yiannikouris à l’INRA (Unité de Recherche sur les Herbivores à Clermont-Theix), sous la tutelle scientifique de Jean-Pierre Jouany (INRA) et le partenariat d’Alltech Inc (Gérard Bertin).

 

 
Fixation de la mycotoxine zéaralénone(en rose) dans l'hélice de glucanes de la levure Saccharomyces cerevisiae (© Yiannikouris, Inra-Alltech)

L'importance des β-glucanes dans l'efficacité de la fixation

Utilisant la zéaralénone comme modèle de mycotoxine, il a été montré que :
- les β-glucanes de la paroi de levure sont responsables de la liaison avec la toxine,
- la structure macromoléculaire des β-glucanes joue un rôle déterminant dans l’efficacité de la fixation.

Des études de stabilité des complexes formés en fonction du pH et d’échanges par dialyse ont permis de démontrer que les liaisons chimiques entre les β-glucanes et la toxine sont de nature électrostatique. Les chercheurs ont mis en évidence, par la technique de résonance magnétique nucléaire, que les groupes hydroxyle, lactone et cétone de la zéaralénone sont impliqués dans les liaisons chimiques avec les β-glucanes. La modélisation moléculaire réalisée avec Gwenaëlle André (Inra-Institut Pasteur) a permis de visualiser l’importance de la complémentarité géométrique entre les molécules de toxines et la forme de simple hélice des β-glucanes. Ainsi la molécule de zéaralénone s’introduit dans l’espace intrahélicoïdal pour former un complexe. Des liaisons électrostatiques de type hydrogène s’établissent alors entre les groupes polaires de la toxine et les groupes hydroxyles des glucanes. La modélisation a permis de montrer que des liaisons de type van der Waals existent également entre le cycle aromatique de la toxine et les deux cycles de glucanes qui l’encadrent. Les complexes formés sont stables dans les conditions physico-chimiques normales du tube digestif.

Ces produits sont généralement efficaces à des doses d’incorporation faibles

Il est ainsi démontré que les parois de levure fixent la zéaralénone et limitent sa biodisponibilité chez l’animal. La fixation de l’aflatoxine B1, du déoxynivalénol et de la patuline par les β-glucanes de levure est quantitativement significative in vitro et relève des mêmes mécanismes. Par ailleurs, ces produits sont généralement efficaces à des doses d’incorporation faibles (0,1 à 0,2 % de la
ration), et sont sans risque pour l’environnement. Même si le mode de piégeage de la mycotoxine par la paroi de levure est à présent démontré en laboratoire, l'application industrielle en Europe n'est pas à l'ordre du jour. En effet, les pouvoirs publics Européens privilégient la prévention des contaminations plutôt que le traitement des aliments contaminés.

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